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Laurent Schachmann, psychothérapeute (Paris) |
Les caractéristiques des relations d'aide
Carl Rogers
Traduction E.L. Herbert
Extrait du Développement de la personne, éd. Dunod
Dix questions à se poser pour le praticien de la relation d'aide
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L'intérêt que je porte à la psychothérapie m'a conduit à m'intéresser à tous les genres de relations d'aide. J'entends par ce terme des relations dans lesquelles l'un au moins des deux protagonistes cherche à favoriser chez l'autre la croissance, le développement, la maturité, un meilleur fonctionnement et une plus grande capacité d'affronter la vie. L'« autre », dans ce cas, peut-être soit un individu, soit un groupe. On pourrait encore définir une relation d'aide comme une situation dans laquelle l'un des participants cherche à favoriser chez l'une ou l'autre partie ou chez les deux une appréciation plus grande des ressources latentes internes de l'individu, ainsi qu'une plus grande possibilité d'expression et un meilleur usage fonctionnel de ces ressources.
Comment puis-je aider les autres ?
Or, il est clair qu'une telle définition recouvre toute une série de relations dont le but général est de faciliter la croissance. Sans aucun doute, elle comprend les relations de la mère ou du père avec leur enfant comme celles du médecin avec son malade. La relation entre maître et élèves devrait s'inclure dans cette définition, bien que certains maîtres n'aient pas toujours pour but de favoriser la croissance. Elle s'applique à presque tous les rapports conseiller-client, qu'il s'agisse du conseiller pédagogique, de l'orienteur professionnel ou de conseils au niveau purement personnel. Dans cette dernière catégorie, elle comprendrait toute la gamme des relations entre le psychiatre et son patient psychotique hospitalisé, entre le psychothérapeute et l'individu perturbé ou névrosé, ainsi que les relations du psychothérapeute avec le nombre croissant d'individus dits « normaux » qui se soumettent au traitement thérapeutique afin d'améliorer leur propre fonctionnement ou d'accélérer leur maturation.
Dans tous ces cas il s'agit de relations entre deux individus. Cependant, il ne faut pas oublier le grand nombre d'interactions individu-groupe qui visent à être des relations d'aide. Il existe des cadres supérieurs qui cherchent à établir avec leur personnel des relations favorisant la croissance, tandis que d'autres s'en soucient peu.
C'est là que se place l'interaction entre l'animateur et son groupe de thérapie. Il en est de même pour les relations entre le consultant d'une communauté et la communauté elle-même. De plus en plus, l'interaction entre le consultant industriel et un groupe de directeurs prend la forme de relations d'aide. Peut-être cette énumération tend-elle à prouver qu'une grande partie des relations dans lesquelles nous et d'autres sommes Impliqués entrent dans cette catégorie d'interactions qui ont pour raison d'être de favoriser l'élévation du rendement ainsi qu'un fonctionnement plus mature et adéquat.
Quelles sont donc les caractéristiques de ces relations qui en fait sont une aide et qui facilitent la croissance ? À l'autre extrême, est-il possible de définir les caractéristiques des relations qui ne réussissent pas à apporter une aide, en dépit d'un désir sincère de favoriser la croissance et le développement ? C'est pour répondre à ces questions, et particulièrement à la première, que je voudrais vous conduire aujourd'hui dans les chemins que j'ai explorés et vous indiquer le point où j'en suis arrivé dans mes réflexions sur ce problème.
digne de confiance, comme sûre et conséquente au sens
le plus profond ? La recherche, comme l'expérience, nous démontre que ceci est
très important. Au cours des années, j'ai trouvé des réponses à cette question,
qui me paraissent meilleures et plus profondes. Il m'avait semblé que si je
présentais tous les signes extérieurs d'une personne digne de confiance (exacte
au rendez-vous, respectant toujours la nature confidentielle des consultations,
etc.) et si j'agissais de la même façon dans mes interviews, cette condition se
trouverait être remplie. Mais l'expérience m'a appris que, par exemple, le fait
de me comporter de façon toujours « acceptante », si en réalité j'éprouvais un
sentiment d'agacement ou de scepticisme ou toute autre forme de
« non-acceptance », finissait à la longue par être perçu comme un comportement
inconséquent et indigne de confiance. J'ai fini par comprendre qu'être digne de
confiance n'exige pas que je sois conséquent d'une manière rigide mais
simplement qu'on puisse compter sur moi comme un être réel. J'ai employé le mot
« congruent » pour désigner de que je voudrais être. J'entends par ce mot que
mon attitude ou le sentiment que j'éprouve, quels qu'ils soient, seraient en
accord avec ta conscience que j'en ai. Quand tel est le cas, je deviens intégré
et unifié, et c'est alors que je puis être ce que je suis au plus profond de
moi-même. C'est là une réalité qui, d'après mon expérience, est perçue par
autrui comme sécurisante. Il y a une troisième question:
suis-je
capable d'éprouver des
Pour cette raison, il me semble que la leçon la plus fondamentale que doit
retenir celui qui désire établir une relation d'aide, quelle qu'elle soit, est
qu'il est en fin de compte toujours plus sûr de se montrer tel qu'on est.
Si, dans une relation donnée, mon attitude est assez congruente, si aucun
sentiment qui se rapporte à cette relation n'est caché soit à moi-même soit à
l'autre, alors je peux être presque sûr que la relation sera « aidante ».
Une façon d'exprimer cela, qui peut paraître étrange, est que si je peux former
une relation d'aide avec moi-même — si je peux être affectivement conscient de
mes propres sentiments et les accepter — , alors il y a beaucoup de chances pour
que je puisse former une relation d'aide envers quelqu'un d'autre.
Or, m'accepter tel que je suis, et permettre à l'autre personne de s'en rendre
compte, est la tâche la plus difficile que je connaisse et je n'y réussis jamais
pleinement. Mais le seul fait de me rendre compte que c'est là ma tâche a été
très enrichissant : cela m'a permis de reconnaître pourquoi certaines relations
interpersonnelles ont été bloquées et de leur donner une direction plus
constructive. Je dois aussi me développer moi-même et bien que cela soit souvent
pénible, c'est également enrichissant.
Une relation d'aide Il y a une autre question dont ma propre expérience m'a prouvé l'importance : puis-je avoir une personnalité assez forte pour être
La question suivante est étroitement à ce que je viens d'exposer.
Ma sécurité interne est-elle assez forte pour Il y a une autre question que je me pose :
puis-je me permettre d'entrer complètement dans l'univers
des sentiments d'autrui et de ses conceptions personnelles et les voir sous le
même angle que lui ? Puis-je pénétrer dans son univers intérieur assez
complètement pour perdre tout désir de l'évaluer ou de le juger ? Puis-je y
entrer avec assez de sensibilité pour m'y mouvoir librement, sans piétiner des
conceptions qui lui sont précieuses ? Puis-je comprendre cet univers avec assez
de précision pour saisir, non seulement les conceptions de son expérience qui
sont évidentes pour lui, mais aussi celles qui sont implicites et qu'il ne voit
qu'obscurément ou confusément ? Y a-t-il une limite à cette compréhension ? Un problème pratique est soulevé par la question :
suis-je capable d'agir avec assez de Il existe un aspect spécifique mais important de la
question précédente : puis-je Une dernière question : suis-je capable de voir cet autre individu comme
Pour ma part, il m'est plus facile de ressentir ce genre de compréhension et de
les communiquer à un client pris individuellement qu'à des étudiants pendant un
cours ou à des collègues dans un groupe dont je fais partie. Je suis fortement
tenté de « reprendre » le raisonnement des étudiants ou d'indiquer à un collègue
les erreurs de sa pensée.
Cependant, quand je parviens à faire preuve de compréhension dans ces
situations, tout le monde y gagne. Et avec des clients en thérapie, je suis
souvent impressionné par le fait que même un minimum de compréhension
empathique, une tentative maladroite et tâtonnante pour saisir ce que veut dire
le client dans sa complexité confuse, est une aide, bien que sans aucun doute
l'aide soit maximale quand je suis capable de saisir et de formuler clairement
le sens de ce qu'il a éprouvé et qui pour lui était resté vague et confus.
Le réflexe psychogalvanique (la mesure de la conductibilité de la peau) plonge
brusquement quand le thérapeute réagit par un mot qui n'est qu'un peu plus fort
que les sentiments du client. Et à une réflexion, comme « Dieu, que vous avez
l'air bouleversé ! » l'aiguille bascule presque jusqu'à quitter le papier. Mon
désir d'éviter même des menaces aussi infimes n'est pas dû à une
hypersensibilité vis-à-vis de mon client. Il est dû simplement à la conviction
fondée sur l'expérience que si je peux le libérer aussi complètement que
possible de toute menace extérieure, alors il pourra commencer à éprouver et à
affronter les conflits internes qui lui apparaissent menaçants.